Contraintes sociologiques
Les contraintes sociologiques, c'est-à-dire celle issues de l’influence du pilier social sur les aspirations des habitants, sont de plusieurs ordres. Elles se référent surtout à l’évolution des habitudes et des mœurs à partir de 1945.
Le rapport d’appropriation limité en milieu urbain
L’appréciation des habitants de leur lieu de vie se fait en fonction du rapport d’appropriation de ce dernier, c'est-à-dire à leur perception de la ville, de leur habitat, comme étant un objet qui leur appartient réellement.
Malheureusement, les Français ont grand mal à s’approprier les milieux urbains, se retrouvant souvent à devoir partager l’espace urbain : c’est le cas pour les transports en commun, les logements sociaux, les copropriétés, le parking des voitures, les activités réalisables dans les parcs municipaux, les piscines municipales, où les urbains ressentent un manque d’appartenance des éléments qu’ils côtoient et dont ils profitent. Ceci crée un sentiment de liberté réduite, un mal-être du citoyen urbain, et favorise dans une certaine mesure les aspirations des Français à l’habitat individuel, permettant de s’approprier complètement son lieu de vie.
Le rapport de domination impossible dans un contexte urbain
Le rapport de domination, quant à lui, traduit le sentiment de domination réel ou perçu des habitants. L’homme étant de nature à vouloir dominer son environnement, le milieu urbain lui procure une multitude de déceptions, en l’empêchant de diriger à sa manière son environnement proche. Ceci s’illustre par des exemples similaires à ceux limitant le rapport d’appropriation, obligeant les habitants à partager les infrastructures avec leurs concitoyens.
Le sentiment de domination devenant pratiquement impossible en ville, chacun tente, à sa manière, de dominer l’espace public, favorisant ainsi un bon nombre de conflits et créant un climat oppressant: citons par exemple les problèmes de voisinage des logements sociaux, ainsi que la pression ressentie dans les transports publics. Le rapport de domination sera donc recherché dans une zone moins dense, ou les habitants pourront à leur guise influer sur leur environnement proche, que ce soit dans leur habitat, leurs loisirs, leurs achats.
L’éclatement de la famille
Ce paragraphe est directement lié à la crise immobilière que la France connaît depuis deux décennies. Les mœurs des Français ont radicalement changé depuis les années 90, et l’éclatement des familles s’est généralisé avec le divorce, et de manière générale, la séparation des couples ayant des enfants ou non. Dans le même temps, la constitution de familles recomposées est restée très limitée. L’INSEE donne un nombre moyen de personnes par foyer de 2,3 en 2005, alors qu’il était de 3,1 en 1968.
La séparation d’un couple ayant des enfants entraine le doublement de la demande de logement d’une même famille, sans réduction de l’espace recherché, puisque l’espace réservé aux enfants est bien souvent dédoublé. Le premier facteur aggravant est donc la diminution directe de la densité en diminuant le nombre d’habitant par foyer. Mais l’éclatement de la famille entraine un fort accroissement des déplacements, principalement pour le partage de la garde des enfants, accentuant le phénomène d’émissions de gaz à effet de serre.
Le confort perçu plus faible lorsque la densité augmente
En lien avec les rapports d’appropriation et de domination, les Français perçoivent souvent un confort moindre dans les zones denses, du fait que l’espace est en général plus restreint. Ce sentiment de promiscuité peut provenir de l’important rapprochement des logements collectifs dans certaines zones, et le manque d’espaces verts perçu par les Français (cité dans l’étude TNS-Sofres sur les Français et leur habitat).
La majorité des Français aspire donc à un habitat plus spacieux, ainsi qu’un environnement plus libre et plus naturel. Malgré l’augmentation générale de la qualité de vie de 1945 à nos jours, il semble qu’il faudra intégrer le facteur espace et visuel dans la conception architecturale des futurs centres urbains.
1.2.5. Contraintes urbaines de transports
Avec un lien plus limité avec la socialisation urbaine, les déplacements dans les villes ont généré une série de contraintes influant de manière durable sur l’état d’esprit des ménages et leur envie de se sociabiliser. D’une manière générale, tous ces problèmes liés au transport réduisent la liberté perçue des urbains. Les centres urbains centralisent la majorité des services et infrastructures, et attirent de fait une grande partie de la population des zones périurbaines.
· Congestion du trafic urbain :
Quel que soit le mode de transport, le trafic dans les grandes villes parait saturé aux heures de travail. Prenant place dans les zones denses des centres urbains, ce trafic suscite une perception péjorative des zones denses, surtout de la part des habitants des zones périurbaines, ne subissant de fait que des contraintes dans les centres-urbains.
C’est pourtant le phénomène de périurbanisation qui a accentué ce phénomène de congestion en augmentant le nombre de déplacements pendulaires. Une solution axée sur l’action locale devra donc être trouvée dans le plan d’action.
· Problèmes de parking
En lien avec le point précédent, les venues en centre urbain des habitants des zones périurbaines en automobile crée un problème de parking dans les centres urbains. Que ce soit dans les centres commerciaux, les quartiers commerciaux des centres-villes, les points de présence de transports en commun, ou les points de présence des services institutionnels (préfecture, mairie, La Poste, etc.), la venue des habitants est soumise à la possibilité de garer leur automobile.
· Le confort faible des transports en commun
Les transports en commun sont pour beaucoup perçus comme une contrainte : en effet, ils réduisent d’emblée la liberté des habitants à l’attente d’un train, ou d’un bus, qui manque trop souvent de confort en période de grande affluence. Pourtant, les problèmes dus à la congestion du trafic automobile réduisent la liberté de la même manière, et l’on doit signaler une fois de plus que la saturation des transports en commun a été provoquée par le phénomène de périurbanisation.
Contraintes financières
Les contraintes financières sont en réalité les plus déterminantes dans l’aggravation du phénomène de périurbanisation : en effet c’est souvent le manque de moyens financiers qui pousse les habitants à s’éloigner des centres urbains.
Explosion du marché de l’immobilier dans les grandes villes
Durant la dernière décennie, le cout de l’immobilier a augmenté très fortement jusqu’à atteindre des sommets en 2008. D’après un rapport du Sénateur Philippe MARINI sur Les perspectives d'évolution du marché immobilier et son contexte macroéconomique, les prix immobiliers réels ont augmenté d’environ 72% entre 1997 et 2004, alors que les revenus ont augmenté de seulement 20% dans la même période.
Evolution des prix immobiliers réels et du revenu réel, entre 1997 et 2004 dans quatre pays:
Evolution entre 1997 et 2004 | France | Royaume-Uni | Etats-Unis | Espagne |
Prix immobiliers réels | 7 | 10 | 4 | 11 |
Revenu réel | 2.3 | 2.9 | 3.5 | 3.1 |
Cette hausse a été générale, mais inégalement répartie : ce sont les plus grandes villes qui ont connu l’augmentation la plus forte. En France, les valeurs immobilières des villes comme Paris, Lyon et Marseille, mais aussi toutes les zones périphériques telles l’Ile-de-France, ont subi une augmentation, même en 2008, année où la bulle immobilière a explosé.
A un niveau plus local, la géographie des prix a également évolué de manière inégale au fil du temps. A paris par exemple, le centre et l'est ont connu une poussée sensible de leurs prix depuis 15 ans tandis que l'ouest, tout en restant cher, s'est moins valorisé. Cela est particulièrement vrai pour les 8e et 16e arrondissements : ils attirent proportionnellement moins qu'il y a 15 ans où leurs prix dépassaient les 6ème et 7ème arrondissements.
Source : http://www.ruedelimmobilier.com
Cette augmentation forte des prix de l’immobilier urbain pousse les ménages ayant des revenus limités à choisir un habitat éloigné du centre, afin de subvenir aux besoins d’un foyer autres que le logement. C’est surtout le cas des jeunes couples de Catégories socio Professionnelles intermédiaires ayant un revenu médian allant de 1200€ à 3000€/ mois) nécessitant des espaces plus grands afin de fonder une famille.
Cout de la vie supérieur en milieu urbain
Un autre point financier important concerne le cout général de la vie supérieur en milieu urbain. En effet, une multitude de facteurs et de services entrainent des couts supérieurs pour tous les habitants urbains de manière structurelle. Voici les points les plus importants :
· Produits de consommation :
Plusieurs études montrent que, bien souvent, les prix des biens de consommation sont plus élevés dans les villes comme par exemple les produits alimentaires. Les arguments mis en avant sont les contraintes de logistique en zone dense, mais aussi les catégories socioprofessionnelles supérieures dans certains quartiers.
· Services
Encore une fois sans relever d’un caractère général, les prix des services associés à la ville sont souvent plus élevés dans les grandes villes. La densité urbaine déséquilibre en effet la loi de l’offre et de la demande, ceci étant dû à la création logique d’un effet de demande massive très localisée dans les villes denses. C’est le cas pour les parkings payants, les services à la personne (cours particuliers par exemple).
· Taxes locales
Ce dernier point est très variable en fonction des collectivités territoriales, mais l’on peut s’apercevoir que la plupart des zones urbaines disposent d’impôts et de taxes plus élevées au niveau local (taxes d’habitation, taxe foncière). Ceci est logique dans la mesure où les services sont beaucoup plus complets dans les zones denses, et largement subventionnés par les collectivités territoriales : écoles, crèches, centres d’aide sociale, cinémas municipaux, etc. Un bon nombre d’habitants des zones denses, profitant peu des services énoncés ci-avant, souhaite rejoindre les zones plus éloignées, afin de disposer d’un environnement fiscal plus avantageux.
Les contraintes liées à l’environnement urbain dense sont donc nombreuses et de plusieurs ordres, et sont responsables d’un certain mal-être au sein de ces zones, et de la volonté de s’éloigner des centres urbains. L'analyse de ces contraintes permet donc de déceler les enjeux prioritaires. A suivre!
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